« Il semble difficile de monter un spectale autour d'un personnage aussi connu du public que Pinocchio, familier non seulement à toute l'Italie mais aussi hors d'Italie. Or Bustric réalise cet exploit et recrée, en quelque sorte, notre attente du personnage. Disons-le d'emblée : son Pinocchio est de l'étoffe du songe.
Pour nous en rendre compte, voyons d'abord les objets du spectacle: plusieurs sont des objets de féérie comme le bâton étoilé de l'enchanteur ou de la fée. Par exemple, le bâton de la fée concentre et symbolise ses pouvoirs : n'oublions pas que c'est à la fée que Pinocchio doit d'avoir la vie sauve. De même, c'est le bâton du mage qui permet à ce dernier d' exercer ses fonctions divinatoires. D'autres objets comme l'arbre, sont sacrés : tantôt l'arbre figure l'axe du monde, tantôt la reproduction ininterrompue de la végétation, tantôt la verticalité de la justice, tantôt le pouvoir politique. Certains objets riment entre eux comme, par exemple, le podium sur lequel monte Bustric avec le podium du chef d'orchestre. Parmi tous ces objets rimant plus ou moins entre eux, n'oublions pas les animaux, chargés d'histoires et de signes : le chat, tantôt bénéfique, tantôt maléfique, mais toujours clairvoyant et adroit ; le renard, souvent rusé mais quelquefois de bon conseil...La baleine concentre en elle, selon qu'on entre dans son ventre ou qu'on en sort, la descente aux Enfers ou la Résurrection. Déjà rythmé par l'apparition-disparition des objets ci-dessus évoqués, le spectacle introduit des ombres chinoises, une marionnette et, pour nous surprendre davantage encore, l'orchestre. Ces ruptures dans le récit créent, dans la surprise, de petits chocs de plaisir, mais l'invention la plus hardie de Bustric est peut-être celle qui concerne la place et le rôle de cet orchestre , conçu paradoxalement comme non-participant. Non seulement il est placé au fond de la scène, comme voilé par cet écart, mais il ne dialogue pas avec l'action. Il ressemble à une ressource qui, située dans la marge, se présenterait sans se proposer. Au paradoxe de la non participation (l'orchestre présent pour lui-même et absent de l'action ) se mêle un défi : celui d'une question à laquelle il n'y aurait pas d'autre réponse que la réaction multiforme du spectateur. »
Ecrivain et critique littéraire
Lucette Finas
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